Soir magazine

25 mars 2021


Bruxelles


 



Père Gilbert : « Tenez bon, les Belges, et pensez aux vieux ! »



À 85 ans, senior et vacciné, pas de retraite pour le « curé des loubards ». Toujours bon pied, bon œil et langage cash, il nous livre son message de Pâques, un peu rock’n’roll forcément.



En ces temps difficiles d’ambiance covid et de confinement, nous avons joint le père Gilbert, le médiatique prêtre français, bien connu pour son travail auprès des délinquants, marginaux, SDF et oubliés du système. Guy Gilbert est aussi un ami proche du prince Laurent, qu’il a marié à Claire Coombs, au côté du cardinal Danneels en 2003 à Saints-Michel-et-Gudule.

Suite à la pandémie, le « curé des loubards » a quitté un Paris confiné devenu invivable et déposé, depuis plusieurs mois, ses santiags et son blouson de cuir chez des amis dans les Hautes-Alpes, à Bénévent, dans le Champsaur. Pour l’anecdote, il crèche chez un certain Laurent Pellegrin, le vice-président de l’association père Gilbert, qu'il espère voir lui succéder un jour à la tête de son oeuvre. Avec le verbe fleuri et le style direct qui le caractérisent, Guy Gilbert nous a confié ce qu’il ressent en cette période particulière…



Père Gilbert, que voulez-vous dire aux croyants qui se sentent un peu perdus en ce moment et qui pleurent de ne pouvoir aller à la messe ?



Je vais te dire et je veux leur dire en premier lieu qu’avant de prier… il faut vivre ! Avant de vouloir remplir les églises, il faut surtout penser aux commerçants, cafetiers, restaurateurs qui sont actuellement dans une merde épouvantable et ne savent pas s’ils s’en sortiront. Qu’on limite le nombre de gens présents en même temps à la messe, même pour les célébrations comme Pâques, ce n’est pas grave, tu sais ! Certes, l’Eucharistie est essentielle. Mais d’abord, les églises n’ont pas attendu le coronavirus pour être dépeuplées malheureusement. Et puis, dis-toi que la prière, elle passe par la vie. Et la vie, actuellement, elle est bien cassée par ce putain de virus ! Il faut avant tout essayer de rétablir la vie, c’est plus important que de se presser dans les églises. On peut parfaitement prier seul chez soi ou en toute petite communauté. Jésus a dit : « Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux » (Matthieu 18:20). Il faut garder cette perspective, c’est important. Je vous le dis à vous les Belges : je le sais, vous en chiez avec la Covid ! Vous n’êtes pas des individualistes, vous aimez voir des gens mais… soyons sages. Prenez vos distances les uns envers les autres. Méfiez-vous du contact physique et, je le répète, il vaut bien mieux pour le moment prier seul dans sa piaule !

Le confinement peut apporter des valeurs importantes tant sur le plan de l’âme que du corps. Et surtout ne dis pas comme je l’ai déjà entendu que ce corona diabolique nous a été envoyé par Dieu. Tout ça c’est des conneries. C’est juste une catastrophe sanitaire, c’est tout.



Vous avez été vacciné ?



Oui, c’est fait. Ce serait malheureux de ne pas l’être à mon âge. Je vais sur mes 86 ans. Mais, depuis un an, ma vie a été complètement chamboulée. J’ai envoyé mes carnets de rendez-vous à la poubelle. J’avais ma permanence à Paris. Le week-end, je me rendais un peu partout en France ou en Belgique pour faire des conférences. Tout ça, c’est fini. Alors j’occupe mes journées à prier et puis je travaille à ma correspondance.



Durant les premiers mois de la pandémie, vous avez vécu comme le berger parmi son troupeau…



Oui, j’avais l’habitude de me rendre une fois par mois pendant trois jours à Faucon, ma ferme de Provence (lire par ailleurs), et un mois en été, pour ne pas alourdir le travail de mes compagnons éducateurs. Mais là, quand la France s’est confinée, le 18 mars, je me suis installé à la Bergerie de Faucon. J’ai passé neuf mois en compagnie des jeunes et des éducateurs, comme une famille. C’était formidable !



Et physiquement, vous êtes encore en forme ?



Dis donc, dis leur, aux Belges, qu’ils doivent veiller sur leur corps ! Les vieux doivent faire de la gymnastique tous les jours. Moi, je fais une heure de marche quotidienne. J’ai 85 ans, mais hors de question de rester vautré dans un fauteuil ! Et puis je dis aux jeunes qu’ils doivent penser aux anciens, qui crèvent tout seul. Ecrivez-leur, téléphonez. Et puis ne soyez pas égoïstes, si vous ne respectez pas les mesures de distanciation, vous pouvez transmettre la maladie. Pensez aux autres ! On est trop individualiste, on pense qu’à son cul et sa gueule ! Mais il y a des gens plus malheureux que nous, alors pensons aussi à eux !



Mais vous comprenez que les jeunes soient traumatisés par la situation ?



Nous sommes tous prisonniers, tous condamnés à cause de la pandémie. Mais nous ne sommes pas seuls. Reconnaissons qu’à travers le masque l’autre existe. Tu es mon frère, tu es ma sœur, n’aies pas peur de moi ! Cela dit, je sais que c’est très dur pour les jeunes, prisonniers de leur barre de HLM en ville, à Paris ou à Bruxelles, dans des apparts trop petits, où ils tournent comme des lions en cage. C’est évidemment une situation très dure. Moi j’ai la chance d’être accueilli en pleine nature. En ce moment, bénéficier d’un jardin, d’une maison, c’est un cadeau du ciel !



Vous avez des nouvelles du prince Laurent ?



Oui il m’appelle très souvent. Nous sommes en dialogue permanent. Et puis je peux voir grandir Louise et les jumeaux, que j’ai baptisés. Chaque année, Laurent, Claire et les enfants viennent me voir à Faucon aux alentours du 15 août. Mais pas l’année dernière. Laurent a peur du virus. Mais ils vont bien. Claire est guérie d’ailleurs.



Un mot sur la récente sortie du Vatican sur les mariages homos, un refus imposé de bénir les unions de même sexe, envers lequel les évêques belges se sont indignés. Vous, vous en pensez quoi ?



L’Église demande à ses prêtres de ne pas bénir les homos, sauf l’un après l’autre, mais pas en tant que couple. Donc de bénir ceux qui restent chastes, qui ne font pas l’amour. Moi, je m’en fous, je bénis tout qui se présente à moi. C’est comme pour l’union des couples divorcés. Je passe là-dessus. Je bénis et je ne vais pas vérifier ce qu’ils font le soir, ni ce qu’ils vivent. Je ne juge pas. Cela ne me regarde pas. Le pape François l’a dit lui-même : Qui suis-je pour juger ?



Mais vous ne condamnez pas vraiment la position du Vatican. Ne doit-il pas se moderniser ?



Non, l’Église n’est pas du monde. Elle doit trouver une réponse aux problèmes de son temps, mais pas se moderniser.



Pour un progressiste, vous ne seriez pas un peu conservateur ?



On dit souvent que je suis progressiste, mais il y a des choses que je n’accepte pas. L’avortement, l’euthanasie, jamais l’Église ne les acceptera. Mais je ne juge pas et si je ne bénis pas l’homosexualité, je bénis toujours la personne. Allez, c’est bon comme ça. Je te laisse, mon fils… Va en paix.



Propos recueillis par Pierre De Vuyst




Resocialiser les jeunes grâce aux animaux



Guy Gilbert fêtera ses 86 ans le 12 septembre prochain. Il est également entré dans sa 56e année de sacerdoce. Et depuis 1973, il s’est spécialisé dans l’éducation des jeunes délinquants, enfants du juge et autres ados en décrochage. Grâce à un legs, il a retapé ferme en ruine à Rougon, près de La Palud-sur-Verdon, dans les Alpes-de-Haute-Provence, avec l’aide des jeunes à qui il apprend la vie en communauté, une certaine discipline et les resocialise. Achevée, la Bergerie de Faucon accueille sans cesse depuis lors, sur son site de 19 hectares, toute une ménagerie et de nouveaux pensionnaires que le prêtre et des éducateurs resocialisent au contact des animaux. Ensuite, Guy Gilbert et son équipe aident les protégés de la Bergerie à trouver logement et travail.



Depuis un an, le prêtre motard a raccroché le perfecto, mais n’attend qu’une chose, que la pandémie s’arrête pour qu’il puisse reprendre ses activités.



P.D.V.























































































 
 
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